Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Par David Brites.

Dans un précédent article, publié en 2021, à l’occasion des 170 ans du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte – c’était le 2 décembre 1851 –, nous avions choisi de revenir sur la période qui précéda cette rupture politique, et sur le personnage de Napoléon III avant son couronnement, pour mieux comprendre le processus qui conduisit à la restauration de l'empire. Après avoir fait un rappel historique indispensable, et rappeler le rôle du personnage principal de cette histoire, nous publions un second volet à cet article, à l’occasion des 170 ans de la proclamation du Second Empire par Napoléon III, afin de revenir sur le contexte politique, les rapports de force et les dérives autoritaires de la République bourgeoise, qui ont rendu possible ce coup d’État et cette restauration impériale. Dans un prochain article en 2023, nous essayerons de tirer les leçons de cette analyse pour décrypter les risques, dans notre régime républicain actuel, de dérive autoritaire ou de coup d’État.

Comme dans le premier volet, nous avons choisi de ponctuer cet article de citations de deux ouvrages de Karl Marx, qu’il a rédigés en exil : Les luttes de classes en France, recueil d’articles rédigés dès 1850, alors que n’a même pas encore eu lieu le coup d’État de Louis-Napoléon ; et Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, ensemble d’articles écrits en exil vers janvier et février 1852 et publié la même année dans un éphémère journal révolutionnaire nord-américain. Marx commençait ce dernier essai en rappelant l’adage de Hegel, qui faisait remarquer que les grands faits et les grands personnages se produisent toujours deux fois. « Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde comme farce. Caussidière et Danton, Louis Blanc et Robespierre, la Montagne de 1848-1851 et la Montagne de 1793-1795, le neveu et l’oncle. » Il se concentre, dans cet ouvrage brillant, plus sur le contexte qui a rendu possible le coup d’État de Napoléon III, que sur le personnage lui-même.

Dans ses écrits de 1852, Marx rappelle les trois grandes phases qui, selon lui, ont caractérisé la période allant du 24 février 1848 au mois de décembre 1851. La « période de février », qui s’étale jusqu’au 4 mai 1848 (date de la réunion de l’Assemblée constituante) est le « prologue » de la révolution, le gouvernement se déclarait lui-même « provisoire », et composa avec l’ensemble des forces politiques en présence. La seconde séquence, du 4 mai 1848 à fin mai 1849, est la « période de la fondation de la république bourgeoise » dominée par l’Assemblée nationale constituante, réunie pour la première fois le 4 mai et qui incarnait une forme de réaction vis-à-vis de la posture fortement sociale prise jusque-là par le mouvement ouvrier parisien. Selon Marx, « si une partie de la bourgeoisie a régné sous le couvert du roi, c’est la totalité de la bourgeoisie qui va régner dorénavant au nom du peuple. » La république bourgeoise s’installe, confortée par la répression de l’insurrection de Juin. Parmi le prolétariat parisien vaincu : plus de trois mille insurgés massacrés, quinze mille déportés sans jugement. Le pouvoir exclusif des bourgeois républicains, dit Marx, ne dura que du 24 juin au 10 décembre 1848. « Son action se résume en l’élaboration de la Constitution républicaine et la proclamation de l’état de siège à Paris. » Un socle de libertés est proclamé dans la Constitution, toutefois chacune des libertés est limitée par « les droits égaux d’autrui » et la « sécurité publique » ; et « la Constitution, explique Marx, renvoie sans cesse à de futures lois organiques », qui seront adoptées plus tard par les forces conservatrices dominantes au Parlement, vidant la Constitution de sa substance, à chaque fois dans l’unique intérêt de la « sécurité publique ». (Une alerte pour notre époque : le nom de la liberté peut être respecté dans le verbe, mais l’exercice réel en être empêché, par la voie légale.) La période du 20 décembre 1848 à la dissolution de la Constituante en mai 1849 « embrasse l’histoire de la chute des républicains bourgeois » par la grande bourgeoisie à tendance monarchiste, soit légitimiste (les grands propriétaires fonciers), soit orléaniste (les aristocrates de la finance et les grands industriels), réunie au sein du « parti de l’ordre ».

Cham, « — Petite, petite, petite !... — Si elle s’y laisse prendre, elle va avoir son affaire ! », Le Charivari, 7 décembre 1848.

Cham, « — Petite, petite, petite !... — Si elle s’y laisse prendre, elle va avoir son affaire ! », Le Charivari, 7 décembre 1848.

Photo : Archives nationales, 67AP/9, fonds Pagnerre.

Dernière phase, la « période de la République constitutionnelle », ou « parlementaire », sous l’ère de l’Assemblée nationale législative, du 29 mai 1849 au 2 décembre 1851. Derrière l’opposition entre monarchistes et républicains, entre « parti de l’Ordre » et Montagne, se cache, selon Marx, la lutte des classes. « La royauté légitime n’était que l’expression politique de la domination héréditaire des seigneurs terriens, tout comme la monarchie de Juillet n’avait été que l’expression politique de la domination usurpée par les parvenus bourgeois. Ce qui séparait ces fractions, ce n’étaient donc pas de proclamés principes, c’étaient les conditions matérielles de leur existence, c’est-à-dire deux espèces différentes de propriété, la vieille antinomie de la ville et de la campagne, la rivalité entre le capital et la propriété foncière. » Ce qui n’empêche pas, dans chaque cas ainsi que chez les Bonapartistes (la frange la plus faible du « parti de l’ordre »), « toute une superstructure de sentiments, d’illusions, de mentalités et de conceptions philosophiques », d’affectes particuliers, qui dépassent la simple distinction de classe. Mais c’est bien la classe tout entière qui les crée et les modèle « d’après ses fondements matériels et les conditions sociales correspondantes ». En face de la bourgeoisie coalisée, on trouve une coalition, appelée social-démocratie, entre « les petits-bourgeois », qui se sentent lésés par la contre-révolution, n’y trouvant pas leur compte malgré le soutien à la répression de la république sociale en juin 48, et « les ouvriers », victimes de cette même répression. En février 1849, « on élabora un programme commun, on créa des comités électoraux communs et l’on présenta des candidats communs ». Chacun mit de l’eau dans son vin pour rendre possible cette coalition dite de la social-démocratie.

Le 11 et le 12 juin 1849, les députés petits bourgeois, conduits par Ledru-Rollin, dominants dans la Montagne (social-démocratie), ne parviennent pas à faire voter une mise en accusation contre Bonaparte et ses ministres (pour une intervention conduite sur la Rome républicaine, illégale dans la forme), et vont donc manifester le 13 juin. Forte répression armée, une partie se réfugie à l’étranger, une autre est déférée devant la justice, l’état de siège est à nouveau proclamé à Paris, et la fraction démocrate de la garde nationale est dissoute. « Le 13 juin, le parti de l’ordre n’avait pas seulement brisé la Montagne ; il avait réussi à faire admettre la subordination de la Constitution aux décisions prises par la majorité de l’Assemblée nationale ». Mais finalement, en expulsant de l’Assemblée la fraction la plus populaire de ses représentants, la bourgeoisie frappa le Parlement d’une forme de faiblesse : face au président qui se posait en défenseur du suffrage universel, personne chez les ouvriers et les petits bourgeois n’allait regretter cette Assemblée recroquevillée sur ses parties conservatrices. Par ailleurs, en dénonçant le recours à la rue des démocrates qui voulaient défendre le droit constitutionnel (qui leur donnait raison dans l’affaire de Rome), en le qualifiant d’acte anarchiste et dangereux, la bourgeoisie « s’interdisait à elle-même de faire appel à l’insurrection le jour où le pouvoir exécutif violerait la Constitution [à son] détriment ». En outre, l’affaire de Rome, qui rétablit l’autorité du pape dans sa ville, permit de rallier finalement les catholiques à la personne de Bonaparte.

Il faut dire que la Constitution elle-même comportait de nombreux points qui laissaient en germe l’affrontement entre le chef de l’État et les députés. Comme le rappel Marx, l’Assemblée, « incontrôlable, indissoluble, indivisible, […] possède la toute-puissance législative, […] décide en dernière instance en matière de guerre, de paix, de traités de commerce, […] a seule le droit d’amnistie ». De l’autre côté, on trouve « le président, avec tous les attributs du pouvoir royal, avec la faculté de nommer et de révoquer ses ministres sans en référer à l’Assemblée nationale, avec tous les moyens du pouvoir exécutif, dispensateur de tous les emplois officiels et, par la suite, maître absolu d’au moins un million et demi d’existences, puisqu’un pareil nombre d’individus accompagne les cinq cent mille fonctionnaires et officiels de tout grade » ; il a derrière lui toute la force armée, et a l’initiative et la direction dans tous les traités avec les puissances étrangères. Mais la seule voie dont il disposait pour se débarrasser définitivement du Parlement, c’était de court-circuiter la Constitution, de prendre les pleins-pouvoirs – la dissolution et la convocation d’élections anticipées n’étaient pas prévues.

Portrait de Napoléon III. Huile sur toile d'Hippolyte Flandrin, 1861.

Quel contexte, quels rapports de force ont rendu possible le coup d’État ?

Pour rappel, suite aux élections législatives de mai 49, trois groupes principaux se sont fait face, consacrant la victoire des royalistes coalisés : le parti de l’Ordre, cela a été dit dans le premier volet (D'un 2 décembre à l'autre (1/2) : Louis-Napoléon Bonaparte, ou la chronique d'une quête de pouvoir déguisée en idéal populaire et démocratique), constitué immédiatement après la répression de juin 48 et qui remporta largement le scrutin (50,20% des suffrages exprimés) ; mais aussi le parti démocrate-socialiste, surnommé le « parti rouge » et qui constitua le groupe de la Montagne (29,65% des voix) à l’Assemblée ; et enfin, les républicains « modérés » (la bourgeoisie républicaine) du National, groupe dominant lors du scrutin d’avril 1848, écarté du pouvoir par le parti de l’Ordre après la présidentielle de décembre 48, et largement défait lors des législatives de mai 49 (12,65%).

Dans son programme électoral, le parti de l’Ordre proclama le maintien des conditions de la suprématie de la classe bourgeoise, à savoir la conservation de la propriété, de la famille, de la religion, de l’ordre, précise Marx en 1850, avant d’ajouter encore : « Le parti de l’Ordre disposait de moyens pécuniaires énormes. Il organisa des succursales dans toute la France. Il avait à sa solde tous les idéologues de l’ancienne société. L’influence des pouvoirs existants lui était acquise. » Les réformes régressives et répressives se poursuivent en 1849, visant à faire taire les oppositions : de nouvelles lois, sur la presse, sur les associations, sur l’état de siège, sont adopter, marginalisant la Montagne. La circulaire d’Hautpoul donne un rôle et un pouvoir considérables au gendarme, serviteur du préfet et du sous-préfet ; la loi contre les instituteurs, de même que la proposition de loi contre les maires, soumettent ceux-ci au pouvoir préfectoral ; la loi sur l’instruction vise à « l’inconscience et à l’abrutissement » des masses électorales, dixit Marx ; etc.

Ce que Karl Marx explique à ce stade, c’est que les Bonapartistes ne formaient pas une « fraction sérieuse de la classe bourgeoise », et que personne, y compris chez les Orléans et les Bourbons, n’avait imaginé qu’il puisse s’accaparer le pouvoir à leurs dépens. Ce que l’on constate, c’est que la dérive autoritaire ne vient pas toujours de celui qu’on croit. Bonaparte était perçue comme une personne « neutre » par les deux camps royalistes, lesquels se neutralisaient et empêchaient ainsi une restauration pure et simple de la monarchie. Ce même Bonaparte va profiter, par la suite, de l’impopularité croissante de l’Assemblée nationale, qui multiplie les erreurs politiques. La hausse d’un impôt sur le vin, notamment, lui met à dos le monde paysan en décembre 1849 ; impôt dont le mécanisme complexe pénalise injustement les classes populaires (ouvrières, paysannes). Marx décrit également l’évolution de la sociologie foncière de la paysannerie française – nous y reviendrons –, qui conduit à sa paupérisation et à son endettement. Des élections partielles en mars et en avril 1850 viennent d’ailleurs, sans pour autant lui faire perdre sa vaste majorité à l’Assemblée, désavouer le parti de l’Ordre. Ce qui ne manqua pas de crisper ses membres, lesquels, dès lors que le suffrage universel ne garantissait plus leur maintien au pouvoir, en contestèrent le principe.

La loi réduisant drastiquement le corps électoral fut définitivement adoptée le 31 mai 1850, et fut immédiatement suivie d’une nouvelle loi sur la presse, qui renforça considérablement la censure, entre autres en mettant fin à la publication d’articles anonymes. De dix millions d’électeurs inscrits, on était passé à moins de sept millions. « La loi du 31 mai 1850 fut le coup d’État de la bourgeoisie », explique Marx, qui décrit par ailleurs la tambouille électorale qui permettait, en cas de faible participation à la présidentielle ou de dispersion des voix, de faire passer l’élection du président « des mains du peuple entre les mains de l’Assemblée nationale ». Il ajoute encore : « Le parti de l’Ordre semblait donc avoir, par la loi électorale du 31 mai, affermi doublement son pouvoir en remettant à la fraction stationnaire de la société l’élection de l’Assemblée nationale et celle du président de la République. »

« Dans sa lutte contre le peuple, le parti de l’Ordre est constamment obligé d’augmenter le pouvoir de l’Exécutif. Chacune de ces augmentations accroît la puissance de celui qui détient le pouvoir exécutif, de Bonaparte. Dans la mesure donc où le parti de l’Ordre consolide la domination qu’il exerce en commun, il renforce aussi les moyens d’action que Bonaparte peut mettre au service de ses prétentions dynastiques », précise Marx. Le 1er novembre 1849, Bonaparte fait tomber le gouvernement Barrot-Falloux, dominé par les légitimistes et les orléanistes. « Il avait installé le ministère Barrot pour, au nom du parti de l’Ordre, se débarrasser de l’Assemblée nationale républicaine [c’est-à-dire dissoudre la Constituante républicaine et briser le parti démocrate] ; il le renvoya pour montrer que sa propre personnalité n’était en rien liée à l’Assemblée nationale du parti de l’Ordre. » La suite est déterminante, puisqu’avec ce changement d’équipe gouvernementale, le Parlement, et donc le parti de l’Ordre, perd, « pour ne le reconquérir jamais, un élément indispensable au maintien du régime parlementaire : le maniement du pouvoir exécutif ». « En France, rappelle Marx, le pouvoir exécutif a la haute main sur une armée de plus d’un demi-million d’individus et tient par conséquent dans la dépendance la plus absolue et la plus constante une masse énorme d’intérêts et d’existences ; l’État enserre, contrôle, réglemente, surveille et tient en tutelle la société civile, depuis les manifestations les plus générales de son existence jusqu’à ses mouvements les plus insignifiants, depuis la vie la plus générale jusqu’à la vie privée des individus ; ce corps parasite, grâce à la centralisation poussée à l’extrême, acquiert une omniprésence, une omniscience, une mobilité accélérée et une élasticité [considérable]. » Et à partir de là, non seulement Bonaparte nomme aux postes clefs (ministère des Finances, ministère de la Justice, préfet de police de Paris…) des hommes qui lui sont acquis, mais de surcroît il supprime le poste de président du Conseil, cumulant les fonctions de chef de l’État et de chef du gouvernement. Plus tard, quand Bonaparte destituera le général Nicolas Changarnier – candidat pressenti du parti de l’Ordre pour l’élection présidentielle prévue en 1852 (et arrivé bon dernier à celle de décembre 1848, avec 0,06% des voix) – de ses fonctions dans l’armée, en janvier 1851, après une brève montée des tensions avec l’Assemblée, le parti de l’Ordre perdra l’une de ses dernières cartes fortes.

Bonaparte multiplie par ailleurs les mesurettes intéressées, visant à acheter le vote de telle ou telle catégorie sociale. Grâce à une augmentation significative de ses émoluments, il mène une tournée dans plusieurs départements de France, et, par la voie d’agents bonapartistes organisés dans la Société du 10-Décembre (qualifiée par Marx d’« armée privée de Bonaparte ») et de gestes clientélistes rendus possible par deux millions de francs fraîchement acquis, il met en scène la liesse populaire à chacun de ses passages, prévient toute contre-manifestation, et simule un enthousiasme pour le rétablissement de l’empire. « Les paysans, déçus dans toutes leurs espérances, écrasés plus que jamais par le bas cours des blés, d’une part, et, d’autre part, par l’accroissement incessant des charges fiscales et de la dette hypothécaire, commencèrent à s’agiter dans les départements. » Karl Marx ajoute encore : « Bonaparte représente une classe, et même la classe la plus nombreuse de la société française, les paysans parcellaires. […] Les Bonaparte sont la dynastie des paysans, c’est-à-dire de la masse de la nation française. L’élu des paysans, ce n’est pas le Bonaparte qui se soumettait au Parlement, c’est celui qui a dissous et chassé le Parlement bourgeois. Trois années durant, les villes avaient réussi à fausser le sens de l’élection du 10 décembre et à frustrer les paysans du rétablissement de l’Empire. L’élection du 10 décembre 1848 n’a eu son plein effet que par le coup d’État du 2 décembre 1851. » Le témoignage de Marx est riche en enseignements sur la sociologie des masses paysannes de la France de l’époque.

« Les paysans parcellaires forment une masse énorme, dont tous les membres vivent dans la même situation, mais sans être liés par de nombreux rapports. Leur mode de production les isole les uns des autres, au lieu d’établir entre eux un commerce réciproque. […] Leur champ de production, la parcelle, ne permet, dans sa culture, aucune division du travail, aucune application de la science, donc pas de diversité dans le développement, pas de variété dans les talents, pas de richesse dans la situation sociale. Chaque famille de paysans se suffit à peu près à elle seule, produit directement la plus grande partie de sa consommation et gagne ainsi ses moyens d’existence par un échange avec la nature plutôt que par un commerce avec la société. La parcelle, un paysan et sa famille ; à côté, une autre parcelle, un autre paysan et une autre famille. […] La grande masse de la nation française est ainsi constituée par une simple addition de grandeurs de même nom […]. Par le fait de vivre dans des conditions économiques d’existence qui distinguent leur mode d’existence, leurs intérêts et leur culture de ceux des autres classes et les posent réciproquement en ennemies, des millions de familles constituent une classe. Et par le fait de n’être unis que par un lien purement local, par le fait que l’identité de leurs intérêts ne crée pas de communauté, ni d’union nationale ni d’organisation politique, les paysans parcellaires ne constituent pas une classe. Ils sont par suite incapables de se faire prévaloir en leur propre nom […]. Ils ne peuvent se représenter eux-mêmes ; il leur faut des représentants pris hors de leur milieu. »

Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852).

Le pont au Change, d'une longueur de 103 mètres, a été réalisé par les ingénieurs Vaudrey et Lagalisserie, en 1858, sous le règne de Napoléon III. Le « N » impérial de Napoléon III, sculpté par Cabat, est identique à celui du Pont Saint-Michel, lui aussi situé à Paris.
Le pont au Change, d'une longueur de 103 mètres, a été réalisé par les ingénieurs Vaudrey et Lagalisserie, en 1858, sous le règne de Napoléon III. Le « N » impérial de Napoléon III, sculpté par Cabat, est identique à celui du Pont Saint-Michel, lui aussi situé à Paris.
Le pont au Change, d'une longueur de 103 mètres, a été réalisé par les ingénieurs Vaudrey et Lagalisserie, en 1858, sous le règne de Napoléon III. Le « N » impérial de Napoléon III, sculpté par Cabat, est identique à celui du Pont Saint-Michel, lui aussi situé à Paris.

Le pont au Change, d'une longueur de 103 mètres, a été réalisé par les ingénieurs Vaudrey et Lagalisserie, en 1858, sous le règne de Napoléon III. Le « N » impérial de Napoléon III, sculpté par Cabat, est identique à celui du Pont Saint-Michel, lui aussi situé à Paris.

Bref, dis Marx, les tout-petits propriétaires terriens souhaitent se soumettre à « une autorité supérieure » qui les « protège contre les autres classes ». C’est que cette masse paysanne, bien que nombreuse, est fragile économiquement. En effet, la parcellisation de la propriété foncière qui a été une réalité à partir de la Révolution et du Ier Empire, a fragilisé les possédants et les agriculteurs se sont fortement endettés : « […] au cours du XIXème siècle, le seigneur féodal fut remplacé par l’usurier de la ville, les hypothèques se substituèrent aux charges féodales, et le capital bourgeois prit la place de la propriété foncière aristocratique ». S’ajoutent des impôts écrasants, qui écrasent la parcelle et dont dépend l’exécutif, « une bureaucratie innombrable et toute-puissante », bien nourrie par le chef de l’État. Des millions de paysans, « y compris les femmes et les enfants » vivent dans une situation sociale mauvaise, et beaucoup font « la navette entre la ville et la campagne ». Le paradoxe, c’est que les paysans auraient donc dû trouver « leur allié naturel et leur chef dans le prolétariat des villes ». Mais cette coalition des prolétariats n’eut pas lieu, et Bonaparte capitalisa le vote paysan, en rupture avec la bourgeoisie urbaine. « L’influence politique des paysans parcellaires trouve donc son expression dernière dans la subordination de la société au pouvoir exécutif. »

« La dynastie des Bonaparte représente non pas le paysan révolutionnaire, mais le paysan conservateur, non pas le paysan qui veut s’étendre au-delà de sa parcelle, condition de son existence sociale, mais celui qui veut plutôt la consolider, non pas la population rurale qui, par son énergie et en alliance avec les villes, veut briser l’ancien ordre de choses, mais la population rurale qui, apathiquement figée dans ce vieil ordre des choses, veut se voir, elle et sa parcelle, sauvées et favorisées par le spectre de l’Empire. La dynastie des Bonaparte ne représente pas le progrès, mais la superstition du paysan, son préjugé plutôt que son jugement, non pas son avenir, mais son passé […]. »

Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852).

« Si jamais évènement s’est fait pressentir longtemps à l’avance, ce fut bien le coup d’État de Bonaparte, écrivait Marx en 1852. Dès le 29 janvier 1849, un mois à peine après son élection, il en avait fait la proposition à Changarnier. Dans l’été 1849, son propre Premier ministre, Odilon Barrot, avait, en termes voilés, dénoncé la politique du coup d’État ; dans l’hiver de l’année suivante, 1850, Thiers l’avait dénoncée ouvertement. […]. À chaque assaut parlementaire, les journaux bonapartistes menaçaient d’un coup d’État, et leur ton montait à mesure qu’on approchait de la crise. » Une fois appréhendés les éléments de contexte, politiques, économiques, sociaux, sociologiques, qui ont rendu possible – au-delà de la seule capacité du principal intéressé à manipuler les foules et les idéaux démocratiques – le putsch de Louis-Napoléon Bonaparte, nous nous intéresserons, dans un prochain article à venir en 2023, sur les leçons que nous pouvons tirer, pour aujourd’hui et pour demain, de cette séquence. La question étant : un virage autoritaire, par le biais d’une dérive lente mais réelle, ou par la voie d’un coup d’État clairement identifié, est-il possible dans la France de 2022 ?

Tag(s) : #Politique, #Histoire
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :